La Part de l’autre – Eric-Emmanuel Schmitt
Eric-Emmanuel Schmitt est un des quelques écrivains français actuels que j’apprécie, et j’ai généralement toujours beaucoup de plaisir à lire ses livres. C’était notamment le cas Des perroquets de la place d’Arezzo, que je vous avais présenté il y a quelques temps déjà. Et comme je suis loin d’avoir lu tous ses livres, il y en a régulièrement qui se retrouvent dans ma PAL. Mais je dois avouer que celui-ci m’intriguait passablement, car il me semblait vraiment différent de tous ceux que j’avais lus jusque-là, notamment par son aspect biographique. En effet, si vous ne le saviez pas, ce roman parle de la vie d’Adolf Hitler, mais d’une façon tout à fait originale. Mais je vous en parlerai plus loin, pour commencer, voici déjà le résumé de l’histoire :
5 octobre 1908 : Adolt Hitler recalé. Que se serait-il passé si l’Ecole des beaux-arts de Vienne en avait décidé autrement ? Que serait-il arrivé si, cette minute-là, le jury avait accepté et non refusé Adolf Hitler, flatté puis épanoui ses ambitions d’artiste ? Cette minute-là aurait changé le cours d’une vie, celle du jeune, timide et passionné Adolf Hitler, mais elle aurait aussi changé le cours du monde…
Comment ce livre est arrivé entre mes mains ?
Je me le suis procuré lors de ma visite du musée de la guerre -2ème Guerre Mondiale donc- de Bastogne, en Belgique. C’est un excellent musée, que je ne peux que vous conseiller si vous passer dans le coin et ce même si le thème est parfois dur et délicat. Et il avait une sélection intéressante de livres dans leur boutique, dont ce roman.
Et alors, qu’est-ce que ça donne ?
L’auteur prend le pari risqué mais fascinant de se poser une question : et si Adolf Hitler n’avait pas été recalé à son concours d’entrée dans une école d’art de Vienne ? Le monde aurait-il été différent ? C’est ce que le roman essaie de nous montrer, en nous présentant deux histoires en parallèle : celle d’Hitler, le futur dictateur malheureusement trop connu, et celle d’Adolf H., étudiant en art et futur peintre. Si au début, les deux hommes se ressemblent en tous points, leurs différents parcours vont les éloigner progressivement et inéluctablement l’un de l’autre.
Adolf H., qui a dont réussi son entrée dans l’école d’art, apprend peu à peu à s’ouvrir aux autres. Il se fait des amis, tombe amoureux, accepte petit à petit de se remettre en question et traverse les épreuves de la vie en apprenant de ses erreurs. Son histoire est celle de n’importe quelle personne au final, car il a appris à laisser les autres prendre une place dans sa vie.
Tout le contraire d’Hitler, individu arrogant, mégalomane, solitaire et méprisant. Difficile de dire la part de vérité dans cette version romancée de la vie d’Hitler, mais on reconnaît assurément l’homme décrit dans tous les manuels d’Histoire. Le roman ne s’attarde en soi pas beaucoup sur la période de la seconde Guerre Mondiale, mais plutôt avant, l’évolution d’Hitler et son ascension fulgurante vers le pouvoir.
C’était l’un des aspects les plus « dérangeants » de ce livre, si on peut dire. Être dans la tête d’Hitler n’est clairement pas facile, quoiqu’assurément intéressant d’une certaine manière. Et le contraste avec la vie d’Adolf H. n’en est que plus frappant. Et c’est là l’autre part du roman qui nous fait profondément réfléchir : il suffit d’un simple événement pour transformer un homme somme toute normal en un monstre. Les gens que l’on rencontre durant notre vie, et la part que l’on leur accorde, ont une importance capitale sur le déroulement d’une existence. Du moins, c’est ce que pense l’auteur, et ce qu’il essaie de montrer avec cette histoire.
Que l’on soit d’accord ou non avec cette analyse, c’est dans tous les cas une démarche originale et fascinante en soi, qui nous interroge sur la part sombre que chacun possède potentiellement en soi. Une lecture dont on ne ressort pas sans questionnements. De plus, l’auteur nous offre à la fin ce qu’il nomme son journal d’écriture, où il note toutes ses impressions pendant la rédaction de ce roman. Un bonus extrêmement passionnant, qui aide à comprendre sa démarche.
Pour quel(s) lecteur(s) ?
Les amateurs de biographie romancée, et de réinterprétation du passé façon uchronie.
La citation :
« L’être humain au premier jour est un monstre sans conscience car sans conscience d’autrui. Nous avons tous commencés par être des tyrans. C’est la vie, en nous contredisant, qui nous a domestiqués. »
Pour se le procurer :
Editions : Le livre de poche
Date de sortie : 2003
Prix : 8.1 €
Nombre de pages : 503 pages
ISBN : 978-2253155379
https://lamalleauxlivres.com/la-part-de-lautre-eric-emmanuel-schmitt/https://lamalleauxlivres.com/wp-content/uploads/part_autre_top.jpghttps://lamalleauxlivres.com/wp-content/uploads/part_autre_top-150x150.jpgNon classéEric-Emmanuel Schmitt,Hitler,uchronieEric-Emmanuel Schmitt est un des quelques écrivains français actuels que j’apprécie, et j’ai généralement toujours beaucoup de plaisir à lire ses livres. C’était notamment le cas Des perroquets de la place d’Arezzo, que je vous avais présenté il y a quelques temps déjà. Et comme je suis loin d’avoir...OhagiAlize altimapi2@hotmail.comUserDiplômée en Sciences de l'information, elle arpente aussi bien les rayons des librairies que des bibliothèques et se passionne pour de nombreux sujets. Armée de sa tasse de thé, elle peut lire de tout, du manga à la biographie, du best-seller à la poésie, en français et en anglais. Tout ce qui peut l’inspirer et la faire rêver. Elle affectionne tout particulièrement la littérature anglo-saxonne, les classiques et les gros pavés.LA MALLE AUX LIVRES
Ce roman a l’air très intéressant. Cela ne doit pas être évident de considérer Hitler comme une personne « normale ». Peut-être déstabilisant. Eric-Emmanuel Schmitt est un bon auteur, je vais lui faire confiance et me procurer ce roman 🙂
Voir Hitler comme une personne normale n’est pas évident, mais le fait de scinder le personnage en deux et de comparer les deux parcours aide à voir le personnage sous un autre angle 😉 Même si c’est parfois déstabilisant, en effet.
Je ne peux que te conseiller ce roman alors, surtout si tu apprécies cet auteur 🙂
Ce qu’explique bien Schmitt dans ses notes d’auteur en fin d’ouvrage, est que le plus étonnant finalement, c’est comment les gens ont fait d’Hitler un non-humain afin de l’écarter d’eux, et ainsi de placer une frontière entre eux et l’horreur. Toute une série de mécanisme de masse s’est fatalement mis en marche, afin de couper tous les points communs entre Hitler et ses survivants (exemple parmi d’autres et sans esprit polémique : le fait qu’Hitler était chrétien, élément largement renié par les gens qui partageaient sa religion après la défaite nazie). La démarche est ici très intéressante, et si elle se prête bien à Hitler, on pourrait la décliner à l’infini, et même à l’inverse : transformer un personnage qui a eu une influence positive sur son entourage en un être désastreux et criminel. Un livre bien mené, plaisant à lire, un projet ambitieux et résolument responsable. Je n’ai jamais retrouvé rien d’aussi original chez Schmitt, mais je ne désespère pas. 🙂
mise en marche* (rhoo)
J’ai beaucoup apprécié ces notes -à part Gaiman, je n’ai pas trouvé beaucoup d’autres auteurs qui tenaient un journal de leur écriture et je trouve ça bien dommage !-, et c’est vrai que c’est une situation qui prête à réfléchir. Et pourrait s’appliquer à un personnage positif également, je n’y avais pas pensé.
Et je n’ai pas retrouvé cette originalité et cette démarche ailleurs chez cet auteur, mais je suis loin d’avoir lu toutes ses œuvres, et comme tu dis, je ne désespère pas non plus ^^