Interview de David Forrest [ Dossier Auto-édition ]
Dans le cadre d’un dossier ( le plus complet possible ) sur l’auto-édition, je suis allée interroger des personnes qui sont au cœur de l’auto-édition. Je remercie sincèrement David Forrest d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. J’ai vraiment beaucoup appris tout au long du travail sur cet article que ce soit durant mes recherches ou en épluchant les interviews. C’était très enrichissant. N’hésitez pas à aller faire un petit tour sur son site pour découvrir son travail, pour ma part, j’adore.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je traîne dans le milieu de la presse et de l’édition depuis plus de 25 ans. Je me suis occupé de magazines de jeu vidéo, d’infographie, d’Histoire, de séries télé, entre autres… J’ai aussi signé quelques romans et nouvelles, entre thriller, horreur et SF, en indépendant et chez Bragelonne. Mon premier roman, En Série : Journal d’un tueur, est souvent cité comme le premier gros succès en autoédition en France, avec je crois près de 30.000 exemplaires vendus, un truc dans le genre. Un bouquin assez glauque, surtout en livre audio, grâce au talent et à la voix flippante du comédien narrateur, Arnauld Le Ridant. Et en parallèle à tout cela, j’ai quelques dispositions en direction artistique et en design graphique, notamment pour tout ce qui est couverture – romans et magazines.
Tu crées des couvertures de romans pour des auteurs autoédités. Est-ce que tu travailles exclusivement pour des auteurs ou aussi pour des maisons d’édition ?
En fait, ce sont un peu deux mondes parallèles. Sur Kouvertures.com, je m’adresse essentiellement aux indépendants, mais j’ai aussi fait quelques travaux pour des maisons d’édition. Parfois, il est même arrivé que des maisons d’édition me contactent après avoir signé un auteur autoédité, pour récupérer les droits de la couverture que j’avais réalisée pour ce dernier. Mais le travail est différent, aussi bien du côté du cahier des charges que des prestations et éléments fournis. Le tarif n’est pas le même, bien sûr. Sur Kouvertures.com, pour les indépendants, je propose un service à un tarif bien plus abordable, car je sais qu’un autoédité n’a pas forcément les moyens d’investir beaucoup dans une couverture. En fait, ce n’est pas vraiment rentable, pour moins, mais c’est normal d’aider aussi les auteurs qui veulent une couverture efficace pour leur livre. L’idée m’est venue après avoir vu tant de bons livres autoédités « gâchés » par une couverture qui faisait trop « amateur ». C’est comme pour le résumé de quatrième de couverture : c’est quelque chose qui doit être soigné et faire professionnel. Le meilleur des romans n’attirera personne si la couverture n’attire pas l’œil et si le texte de dos ne donne pas envie de plonger dedans. En librairie ou sur les boutiques numériques, c’est la même chose : on s’arrête prioritairement sur ce qui nous fait de l’œil. Et on « zappe » généralement ce qui ne nous séduit pas, visuellement. Ce n’est qu’une première étape, mais elle est cruciale.
L’adage dit qu’on ne juge pas un livre à sa couverture, mais en fait… si, on le fait tous au premier contact. C’est dommage de gâcher des heures de travail d’écriture par une couverture ou un texte de dos bâclés. C’est même de l’autosabotage.
Est-ce que tu as vu le monde du livre changer depuis quelque temps ? Si oui, depuis combien de temps as-tu constaté une évolution dans celui-ci ? Est-ce que cela a une influence sur ton travail ?
Le monde du livre a évidemment un peu changé depuis l’explosion de l’autoédition, mais je crois qu’en fait, contrairement à ce qu’on pense, ça a surtout compliqué les choses pour les auteurs. L’offre est devenue pléthorique et un peu brouillonne, sans doute, tandis que le lectorat, lui, est resté le même. Tout le monde a sa chance, mais cette chance est mécaniquement plus faible. J’évoque souvent l’image d’une plage. Une librairie physique, où l’on ne trouve que des livres commerciaux de maisons d’édition, c’est une petite crique de gros galets. Difficile, déjà, de s’y distinguer. Les plateformes d’autoédition, à côté, sont d’immenses plages de sable fin où chaque livre est un grain. D’où l’importance de soigner son texte, la correction, la mise en page, le résumé, la couverture… Et chacun de ces aspects demande des compétences, que tout le monde ne possède pas forcément, bien sûr. Autoédition et indépendance ne signifient pas polyvalence et effort solitaire. C’est là aussi la force d’une maison d’édition, de son accompagnement (quand il y en a, mais c’est un autre sujet). Un regard externe plus objectif, plus détaché et des compétences et métiers complémentaires. Je dis très souvent, par exemple, que l’auteur est le plus mal placé pour juger la couverture de son livre, dont il a une connaissance intime, contrairement au futur lecteur. Et rien que ça, ça change tout. Ajoutez à cela des codes de mise en forme, de marketing, etc. Et déjà, on est bien loin du monde de l’écriture.
Quand je travaille sur une couverture, j’essaye de capter au mieux l’intention de l’auteur avec quelques questions et informations, mais il faut rester assez détaché pour rester proche du futur lecteur et ne pas tomber, justement, dans la vision trop personnelle de l’auteur. C’est pourquoi après avoir demandé quelques indications et précisions, je demande carte blanche pour travailler sur trois concepts. Généralement, il y en a toujours un ou deux qui font mouche, voire plus !
Par quel(s) intermédiaire(s) les auteurs font appel à toi ? Comment te trouvent-t-ils ?
Essentiellement par le bouche-à-oreille (ce qui est génial, pour moi, vu que ça signifie que mon travail plaît) et par une recherche Internet (et là, si les gens me contactent, c’est parce qu’ils ont apprécié ce qu’ils ont vu de mes réalisations). En fait, ce n’est pas mon activité principale, je n’en vis pas, et je ne fais pas vraiment de publicité pour Kouvertures.com. J’adore créer des couvertures, mais pour que ça reste un plaisir créatif, je préfère que ça reste un petit à côté.
Aujourd’hui, Amazon, facilite l’autoédition, en quelque sorte, en étant « imprimeur » et aussi en permettant de vendre son roman à travers le monde. Penses-tu que sans Amazon, les choses seraient différentes ?
Sans doute. En fait, ça ramène à ce que j’évoquais plus haut, avec ma plage et mes galets. Il ne faut cependant pas oublier qu’Amazon n’est, pour moi, ni un éditeur, ni un imprimeur : c’est un vendeur. Je crois que l’autoédition, pour son plus gros pourvoyeur, n’est qu’un produit exclusif dans sa propre vitrine. Il y a du bon et du mauvais dans ce constat, comme à chaque fois qu’un secteur commercial, social ou culturel évolue. Comme Internet, quoi.
Comment vois-tu l’autoédition dans quelques années ?
Je ne serais pas étonné que ça se tasse, quand les gens vont comprendre que tout le monde ne fera pas de blockbuster, que ce n’est pas l’Eldorado que certains affirment. Ça va aussi sans doute s’assainir. On a vu éclore des tas de prestataires de service à l’explosion de l’autoédition, de pseudo-aides à l’écriture, à l’édition, etc. Certains sont sans doute sérieux et utiles, mais j’en vois beaucoup qui ne font véritablement rien d’autre que de profiter de la « manne » des « nouveaux auteurs ». En fait, c’est un peu l’évolution du modèle, sans doute critiquable, de l’édition à compte d’auteur. Mais je comprends que des gens puissent en avoir besoin. Le tout est de ne pas trop écouter les sirènes qui promettent monts et merveilles contre votre « contribution »…
Que changerais-tu dans cette façon de publier ?
Peut-être faudrait-il que les grosses plateformes d’autoédition fassent preuve d’un peu plus de vigilance, entre les combines (dont elles sont parfois complices, volontairement ou non) pour fausser la réalité, les plagiats et autres soucis de « faux livres » dont on a plus d’une fois entendu parler, etc. C’est difficile de changer un tel système, comme tout ce qui est ouvert à tous, mais je crois que c’est difficile pour les lecteurs/consommateurs de s’y retrouver vraiment dans cette abondance chaotique. Tout le monde aurait à y gagner avec plus de clarté, de transparence et un peu plus de supervision. Enfin, presque tout le monde…
As-tu un conseil à donner aux auteurs qui aimerait se lancer ?
De ne pas se laisser démoraliser par ce que j’ai écrit plus haut ! Je n’ai pas évoqué ces points un peu sombres pour plomber l’ambiance ni pour dissuader qui que ce soit, mais je crois qu’il vaut mieux en être conscient quand on se lance. Et il faut se lancer, car de toute façon, c’est toujours mieux que d’avoir des regrets !
Un dernier mot pour la fin ?
J’ai déjà été tellement bavard que je vais plutôt vous épargner ça. Ou alors juste « Rhododendron », parce que c’est quand même super rigolo, comme mot.
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