Mary Poppins – Pamela Lyndon Travers
Pourquoi ce livre ? Voilà une petite histoire qui remonte…je n’avais jamais vu le Mary Poppins de Disney (ou peut-être quelques extraits) et j’ai dû le voir avant de regarder en salles obscurs le film qui en retrace la genèse, Saving Mr. Banks. Comme les deux films ont aiguisé ma curiosité, j’ai décidé de lire, quand l’occasion s’en présenterait, les livres qui dont donné naissance à ces deux films. Ce n’est pas chose aisée, il faut l’avouer : Pamela Lyndon Travers a écrit une série de huit livres dont quatre seulement ont été traduits en français, et dont seuls deux sont encore disponibles en librairie, et ce grâce uniquement à des rééditions. On ne trouvera donc que :
- Mary Poppins, Londres, Gerald Howe, 1934. Publié en français sous le titre Mary Poppins chez le Livre de Poche Jeunesse.
- Mary Poppins Comes Back, Londres, L. Dickson & Thompson Ltd, 1935. Publié en français sous le titre Le Retour de Mary Poppins aux éditions du Rocher Jeunesse.
D’autres titres existent mais ne sont plus commercialisés ou ne sont pas traduits :
- Mary Poppins Opens the Door, Londres, Peter Davies, 1944. Publié en français sous le titre Les Bonnes Idées de Mary Poppins.
- Mary Poppins in the Park, Londres, Peter Davies, 1952. Publié en français sous le titre Mary Poppins en promenade.
- Mary Poppins From A-Z, Londres, Collins, 1963.
- Mary Poppins in the Kitchen, New York / Londres, Harcourt Brace Jovanovich, 1975.
- Mary Poppins in Cherry Tree Lane, Londres, Collins, 1982.
- Mary Poppins and the House Next Door, New York, Delacorte Press, 1989.
Je ne vous parlerai donc ici, comme vous pouvez le deviner, que des deux premiers titres de la série.
Mary Poppins, la nouvelle gouvernante des quatre enfants Banks, est vraiment très spéciale! Elle monte l’escalier sur la rampe, ouvre un sac vide et en tire un lit pliant, verse de la même bouteille du sirop de citron, de la glace à la fraise, du lait et du punch au rhum. La fantaisie, le merveilleux et l’extravagance viennent soudain bouleverser la vie quotidienne de toute la famille. Premier roman de Pamela Lyndon Travers, publié en 1934, Mary Poppins obtient un immense succès et sera traduit dans plus de vingt langues. En 1964, ce roman fait l’objet d’un film musical, produit par les studios Disney.
Pour ceux qui auront adoré le film Disney, je vous demanderai de prendre un peu de recul, car les livres sont sensiblement différents. On pourrait peut-être dire pour une fois que le film est meilleur que les livres, mais c’est autre chose, de simplement différent. Walt Disney a enlevé beaucoup d’éléments à l’histoire, en a ajouté d’autres. C’est ce qui rend par ailleurs très intéressant le film Saving Mr. Banks/Dans l’ombre de Mary, qui retrace la collaboration difficile de l’auteur avec le cinéaste, car il éclaire Mary Poppins de nouvelles lumières et sous de nouveaux angles.
Je peux difficilement vous résumer le livre après le synopsis au-dessus, qui est parfait. Mais là où Mary Poppins peut sembler, dans nos souvenirs, comme une gouvernante certes un peu sévère mais souriante, celle décrite par Pamela Lyndon Travers est assez différente. En fait, on ne pense pas à Disney en lisant ce livre : l’atmosphère, les courts récits – les livres sont organisés en succession d’aventures et non comme une histoire globale linéaire – me faisaient plutôt penser à Peter Pan et Alice au pays des merveilles, tout en s’en distinguant. Ici, l’absurde et la teinte douce-amère ont leur place ; loin de refléter totalement l’enthousiasme qu’on connaît du film adapté, c’est vraiment à Peter Pan qu’on pense pour la « morale » des histoires, et Alice, pour le merveilleux des aventures que vivent les enfants Banks avec leur gouvernante. Bien sûr, certaines sont relatées dans le film (le thé au plafond par exemple) mais toutes les autres ont aussi beaucoup d’intérêt. Parmi les histoires qui m’ont le plus marquée, je compterai celles des tout-petits Banks, qui en venant au monde, le comprennent parfaitement et savent tout de l’univers, pour oublier quelques semaines plus tard ; une fois où deux des enfants Banks rejoignent Mary Poppins dans les constellations et la voient danser avec le soleil ; ou encore une fois où l’aînée des enfants se révèle de fort mauvaise humeur et finit par entrer dans le décor d’une porcelaine où elle manque de rester prisonnière. A chaque fois, bien entendu, Mary Poppins sauve ou apprend quelque chose aux enfants, pour les éduquer et leur inculquer des valeurs de vie : mais celles-ci ont un côté parfois noir et un peu amer. Une fois, le petit garçon, Michael, après une mésaventure, promet de ne plus jamais mal se comporter ; la gouvernante se contentera d’un soupir irrité et las, comme pour dire qu’elle sait très bien qu’il recommencera, non par défaitisme, mais parce que c’est une des choses naturelles de l’existence. En quelque sens, toutes les histoires tendent vers ce genre de direction, ce qui les rend très intéressantes, et pas du tout moralisatrices.
La chose qui surprend aussi tout à fait, c’est que le personnage même de Mary Poppins pourrait être presque antipathique. Sévère et prompte, tant à faire les choses qu’à critiquer, parfois méprisante, elle possède aussi une bonne dose de vanité et de coquetterie. Cependant, les enfants l’aiment bien, et on les comprend quand ils réclament Mary Poppins : non seulement parce que cela promet des aventures magiques, mais aussi parce qu’elle est, quelque part, la seule à les prendre au sérieux et à les considérer comme de vraies personnes, les parents Banks n’étant pas une référence. De plus, cette gouvernante-là tente de bien cacher ses secrets : elle prétend à chaque fois que les enfants ont rêvé toutes leurs aventures, mais il existe toujours un détail qui trahit la véracité de ce qui s’est passé. Pratically perfect in every way, cette Mary Poppins n’est donc pas aussi charmante que dans le film ; certains personnages secondaires tentent d’expliquer cela en insinuant qu’elle est la seule adulte à être restée, quelque part, une enfant, ce qui lui permet de comprendre le langage des bébés, des oiseaux, d’avoir des sortes de pouvoirs magiques et de vivre des tas d’aventures…Une chose est sûre, on ne s’ennuie pas avec elle, et elle secoue tous ceux qui croisent son chemin.
Pour conclure, en fait, c’est une bien étrange lecture. Pamela Travers avait le même genre d’univers assez loufoque, voire délirant, que Lewis Carroll. Il faut dire qu’elle a eu une vie assez originale : son vrai nom est Helen Lyndn Goff, elle a écrit sa série de Mary Poppins et d’autres livres, mais elle a également été journaliste et actrice, sans parler d’une vie familiale et personnelle visiblement compliquée. Ses livres ne sont peut-être pas aussi marquants que ceux avec lesquels je les ai comparés – ils sont moins connus, après tout – mais nul doute qu’ils ont leur place dans la littérature jeunesse anglaise de cette catégorie, étant donné qu’ils ont été écrits au XXIe siècle. Une sorte de succession, qui est plutôt agréable, et vraiment plaisante à lire !
Une petite citation :
« Elle, c’est la grande exception. Elle échappe à toutes les règles. »
Littérature jeunesse britannique.
Disponibilité : en librairie (7 et 15 euros)
250 pages pour le premier, 300 pour le deuxième
EAN : 9782013226486 ; 978-2-268-06901-2
Lecture en cours : Les fictions de jeunesse, de Christian Chelebourg.
http://lamalleauxlivres.com/mary-poppins-pamela-lyndon-travers/http://lamalleauxlivres.com/wp-content/uploads/Sans-titre-184.pnghttp://lamalleauxlivres.com/wp-content/uploads/Sans-titre-184-150x150.pngNon classéDans l'ombre de Mary,Disney,Littérature britannique,Littérature jeunesse,Mary Poppins,Pamela Travers,Saving Mr. BanksPourquoi ce livre ? Voilà une petite histoire qui remonte...je n'avais jamais vu le Mary Poppins de Disney (ou peut-être quelques extraits) et j'ai dû le voir avant de regarder en salles obscurs le film qui en retrace la genèse, Saving Mr. Banks. Comme les deux films ont aiguisé...HauntyaHauntya bunesque@live.frSubscriberDiplômée en métiers du livre et en digital humanities, elle adore la littérature depuis son enfance. Spécialiste des livres de bibliothèques rendus en retard, ses lectures sont variées même si elle affectionne particulièrement les classiques et les romans du XIXe siècle, avec un chocolat chaud ou un thé. Elle ne demande qu'à ce que les livres la fassent rêver mais aussi réfléchir. Blog personnel : http://hauntya.wordpress.comLA MALLE AUX LIVRES
Je me suis achetée l’intégrale en VO après avoir été voir Dans l’ombre de Mary au cinéma, je n’ai pas encore eu l’occasion de me plonger dedans mais ton avis me donne envie. 🙂 J’adore le film de Disney et ai envie de m’en détacher un peu pour découvrir la série de livres …
Il faudra que je me cale ça un jour 🙂
Ah, je vois que je n’ai pas été la seule intriguée par le film, ça fait plaisir ! ^^ Oui, franchement, je le conseille, la lecture est vraiment rafraîchissante et ça fait plaisir de découvrir la Mary Poppins de papier, c’est parfois drôle, parfois noir, en tout cas ça a une atmosphère qui ne laisse pas indifférent. Tu verras que ça s’éloigne assez du Disney par moments (Bert a un rôle bien moins important par exemple.) Ca se lit facilement en français en tout cas, j’espère que ce sera de même en anglais ^^ Bonne lecture d’avance !