Les Braises – Sandor Marai
Pourquoi ce livre ? Il s’agit d’un de mes romans préférés, que j’avais décidé de relire, d’autant plus qu’il est très court. J’en profite donc pour vous le faire découvrir, d’autant plus qu’il permet de plonger un peu dans le style subtil d’un des meilleurs auteurs hongrois du XXe siècle, et par là-même, dans la culture et la manière de penser de ce pays.
Reconnu comme l’un des plus grands auteurs de la littérature hongroise et l’un des maîtres du roman européen, l’écrivain Sandor Marai (1900-1989) s’inscrit dans la lignée de Schnitzler, Zweig ou Musil. L’auteur des Révoltés, des Confessions d’un bourgeois ou de La Conversation de Bolzano n’a eu de cesse de témoigner d’un monde finissant, observant avec nostalgie une Europe mythique sur le point de s’éteindre. A travers la dramatique confrontation de deux hommes autrefois amis, Les Braises évoque cette inéluctable avancée du temps. Livre de l’amitié perdue et des amours impossibles, où les sentiments les plus violents couvent sous les cendres du passé, tableau de la monarchie austro-hongroise agonisante, ce superbe roman permet de redécouvrir un immense auteur dont l’œuvre fut interdite en Hongrie jusqu’en 1990.
Les Braises est un roman coup de cœur, je dois l’admettre. Il ne faut pas s’attendre à une histoire d’action en 200 pages, ni à une lecture trop facile, même si je trouve que pour la gravité et la philosophie des thèmes évoqués, l’auteur s’en tire tout à fait avec un style fluide et simple, mais toujours poétique. Tout tourne entre les retrouvailles de deux amis, à la fin de leur vie, après quarante de séparation quand l’un a pris la fuite sans jamais donner la moindre explication ; fuyant aussi bien cet ami, que la femme de celui-ci, Christine, et sa carrière militaire. Le roman en lui-même est plus un long dialogue qu’un véritable récit narratif. Car ce sont ces paroles qui auront le plus d’importance pour dévoiler les raisons de leur séparation, pour découvrir leur vie et amitié commune, leur façon de voir le monde…
Il est difficile de parler de s’attacher à un des deux personnages, plus qu’un autre, même si je pense qu’on a tendance à se sentir davantage compatissant pour Conrad, celui qui a fui, que le général, qui mène la conversation le plus souvent. Tout au long de cette conversation qui dure toute la nuit, ce sont les années communes et respectives des deux hommes qui sont évoquées, leurs souvenirs, les guerres.
Et la musique. Et les drames de la passion. La différence dans la nature des êtres. Le destin. Le jeu des faux-semblants chez tout un chacun. Pour tout dire, il y a tant de sujet évoqués, à travers le récit de cette amitié brisée et qui revit le temps d’une nuit, qu’il serait impossible de dire tout à fait le charme qui ressort de ce roman, et les nombreuses évocations que cela m’évoque. Je pense que ce qui fait le charme de cette œuvre est d’ailleurs ce que le lecteur va retrouver de lui-même, en ces deux personnes et en leur conversation. On peut ne pas toujours être d’accord avec ce qui est écrit et dit, il demeure que les thèmes abordés sont universels et poussent à la réflexion. Certes, comme tout roman hongrois, le pessimisme – ou le cynisme – de ce pays et de ses habitants s’y révèle, mais il ne faut pas s’arrêter à seulement cela.
Quant au style, Sandor Marai a définitivement une magnifique plume, subtile, toute en finesse, en poésie et en pouvoir d’évocation. C’est sans doute pour moi son meilleur roman, le plus beau, le plus profond, le plus susceptible de toucher et d’émouvoir, tout simplement. A lire absolument.
Roman hongrois. Titre original : A gyertyák csonkig égnek
Editions : Albin Michel, Livre de poche
Parution française : 1995
Parution originale : 1942
Disponibilité : chez le libraire, en poche (6 euros)
219 pages.
EAN : 978-2253933786
Lecture en cours : Une odeur de gingembre de Oswald Wynd.
je confirme que ce livre est excellent, saisissant et donne envie de lire l’ensemble de l’œuvre de l’auteur (je n’ai lu que celui-ci et très récemment, je l’ai d’ailleurs présenté sur mon blog)
Oui, j’ai vu l’avis laissé sur ton blog, et tu as bien retranscrit aussi à quel point ce livre est particulier. Il trouve des résonances dans nos vies, tout à fait saisissantes, et pour une histoire terriblement humaine. Certains autres ouvrages de l’auteur valent la peine, même si certains sont moins aisés d’accès. « La soeur » m’avait ainsi marquée, mais je dois admettre qu’il m’en reste bien à lire…