Les jardins de Kensington – Rodrigo Fresan

Pourquoi ce livre ? Parce que je suis fascinée par le personnage de Peter Pan et l’histoire qu’en a écrite Matthew James Barrie, depuis qu’une amie me l’a faite découvrir. Et parce que le blog d’une lectrice que je suis en parlais avec force éloges, et que cela m’a intriguée. Peter Pan, ce n’est pas que le Disney, c’est une pièce de théâtre avant d’être un petit roman, avant d’être le film de 2003 ou Hook. C’est un conte enfantin pourtant cruel et mystérieux, qui recèle autant de merveilles que de vérité…Et le personnage principal est un mythe à lui tout seul.

Une nuit, Peter Hook, auteur de livres pour enfants, raconte à un petit garçon l’histoire de sir James Matthew Barrie, auteur de Peter Pan. Il évoque le Londres de l’ère victorienne, la jeunesse de Barrie marquée par la mort de son frère et sa relation avec les enfants Llewelyn Davies, modèles de Peter Pan. Mais, au fil de son histoire, Peter Hook met aussi en scène sa propre vie à l’époque des Beatles et des beatniks, et celle de son propre personnage, Jim Yang, voyageant dans le temps pour ne pas grandir.

Il y aurait tant à dire sur ce livre, mais je suis bien incapable de l’exprimer pour une fois. C’est un récit en parallèle : Peter Hook raconte sa vie  à un certain Keiko Kai, les histoires pour enfants qu’il a écrites, avec un personnage du nom de Jim Yang qui ne grandit jamais en allant d’une époque à une autre. Et en même temps, il raconte la vie de l’auteur de Peter Pan, comparant leurs deux existences, les similarités et les différences, entre deux siècles différents. Comment la vie de Barrie a influencé celle de Peter Hook, comment cet auteur a été emprisonné par la lecture de Peter Pan et influencé par celui-ci, comme d’une lecture qui change tout. C’est un grand récit, une fausse biographie romancée de cet auteur imaginaire et de la vie réelle de Barrie (on apprend de nombreux détails sur lui, son entourage, ce qu’il a vécu – ce qui est très intéressant quand on sait que ce sont des enfants amis, les Llewynn Davies qui lui ont inspiré son oeuvre, et tout le symbolisme que cela a pris, toutes les conséquences : il a fini tuteur de ces enfants quand leurs parents sont morts) avec des détails parfois faux ou bien romanesques. Mais pour la peinture de cette époque, l’évocation des détails, on pourrait presque se croire parfois au Londres du XIXe siècle.

C’est un roman qui raconte comment un auteur peut être dépassé, voire dévoré, par son propre personnage, comment la réalité inspire la fiction et comment celle-ci rejoint le présent. Et comme est trouble la frontière entre les deux. Et qui montre une profonde réflexion sur l’enfance comme territoire de l’imaginaire, proche de la mort également. Comment un adulte peut ne jamais avoir eu d’enfance, et comment un enfant ne peut jamais grandir. Comment un auteur peut perdre contrôle de son rêve et son personnage, devenir un mythe, de son vivant. Il interroge aussi sur les frontières de la fiction et de la réalité. Il raconte les années 60 psychédéliques et folles, il raconte l’époque et la vie de James Matthew Barrie. L’auteur nous fait passer par ces parallèles, par les rêves et la réalité, mélangeant les deux comment pour mieux nous dire de faire attention à ce que nous lisons et ce que nous devons y comprendre, ou interpréter. Il parle des fantômes qui hantent les vivants et qui, quelque part, son responsables de la naissance des histoires.

Ce bouquin est un labyrinthe dans lequel j’ai eu du mal à rentrer, parfois à reprendre, mais qui est malgré tout envoûtant, surtout quand on se passionne pour Peter Pan et son auteur, et la création d’une histoire. C’est un drôle de bouquin ovni, mal défini, mais où on sent à quel point l’auteur aime nous perdre et nous raconte des histoires. C’est aussi un des thèmes du livre, après tout. L’histoire peut paraître complexe. Mais si le sujet vous intéresse, cela en vaudra certainement la peine.

Roman espagnol. Titre original : Jardines de Kensington.
Editions : Points, Seuil
Première parution française : 2004
Parution originale : 2003
Disponibilité : en librairie (8 euros en poche)
480 pages (poche).
EAN : 9782757826638

Lectures en cours :  Les liaisons dangereuses, du boudoir à la révolution de BiancaMaria Fontana.

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