Faux-Semblants – Bari Wood et Jack Geasland

Pourquoi ce livre ? Parce que j’avais vu le film qui en a été adapté par Cronenberg et qu’une amie m’a vivement conseillé de lire le bouquin. Parce que l’histoire m’intéressait et me fascinait. Parce que vous l’aurez sans doute remarqué, je ne poste pas beaucoup en ce moment (mes journées sont bien occupées entre mon stage et la recherche d’emploi) mais c’est un des seuls livres en ce moment auquel j’ai vraiment accroché et que je n’ai pas mis trop de temps à finir…. ^^

David et Michael Ross sont des jumeaux parfaits. Elevés ensemble, ils vivent les mêmes expériences, suivent les mêmes études et se destinent tous deux à la carrière de gynécologue. Inséparables, une étrange communion les attache l’un à l’autre, qui les pousse à partager jusqu’à leurs conquêtes féminines. Pourtant, Michael cherche à s’émanciper de cet autre lui-même qui l’étouffe. C’est en rencontrant Kathy Field qu’il tentera de briser l’emprise imposée par son frère. Mais en a-t-il vraiment envie ? Est-il assez fort pour défaire ce que la nature a créé ? Et David le permettra-t-il ? Inspiré d’une histoire authentique, qui a défrayé la chronique dans les années 70, ce livre au suspens soigneusement dosé glissant peu à peu vers l’horreur a été adapté au cinéma par David Cronenberg en 1988, avec Jeremy Irons dans le (les ?) rôle principal.

Alors vous devez vous en douter au résumé, mais je préviens quand même : Faux-Semblants est assez malsain. Par son sujet mais aussi et surtout par la relation entre les deux frères. David et Michael Ross sont des vrais jumeaux, et dès leur enfance, le plus timide, le plus faible psychologiquement, Michael, croit que leur grand-père les maudit presque en leur conseillant de se détacher l’un de l’autre, s’ils ne veulent pas mourir peu à peu…plus tard il s’avère que Michael aurait rêvé cette scène. Mais cela suffit à mettre dans l’ambiance. On suit l’histoire des jumeaux depuis leur enfance, tout en s’intéressant principalement à l’âge adulte mûr (30-40 ans). D’ailleurs le livre est construit d’une façon inhérente aux années de sa publication, qu’on ne retrouve guère plus aujourd’hui je crois : on découvre la mort des jumeaux, dans leur appartement, et ensuite on remonte dans le temps pour voir ce qui a mené à ce désastre. On voit donc la relation fusionnelle qui les unit au début, jusqu’à ce que Michael tente de s’émanciper en se mariant avec une femme, tandis que Ross vit avec son compagnon, également collègue de médecine. Mais on s’aperçoit vite que les tentatives de « fuite » de Michael ne font que le détruire : il sombre dans la médicamentation excessive, des périodes de bonheur et de désintéressement avec sa femme, sans compter les hallucinations qu’il a d’inconnus ressemblant à son frère, ou alors tout simplement le fait que sa vie ne lui semble complète que lorsque son frère est là. Je vous laisse découvrir le reste de l’histoire, si jamais vous lisez ce livre…

Ce qui fascine surtout dans l’oeuvre et qui est le principal sujet, c’est surtout la relation entre les deux frères jumeaux. David est ce qu’on pourrait appeler le « dominant » car son frère Michael vit dans son ombre, et il semble tirer à lui toute la gloire de leur métier de gynécologue, être le plus brillant, le plus intelligent, le plus social, le plus éclatant. Et en plus de toutes ces qualités (qui conduisent pas mal de persos secondaires à préférer Michael et à ne pas supporter David qui « bouffe son frère depuis des années ») il est aussi celui qui ramène sans cesse Michael à une dépendance envers lui, en le voyant chaque semaine, lui téléphonant souvent, essayant de le raisonner dans ses choix…certes, dit comme cela, cette possession pourrait facilement donner à voir David comme un méchant. Mais il faut dire que l’un et l’autre sont coupables dans cette histoire, Michael ne pouvant également pas se passer de David. C’est la fusion, le lien unique entre jumeaux, développé à l’extrême, qui les amène à se faire passer l’un pour l’autre même auprès de leurs patientes, à ne pas s’éloigner l’un de l’autre, à ces relations tantôt conflictuelles, tantôt harmonieuses, qui mènent d’ailleurs à l’inceste entre eux…quand je vous disais que c’était malsain ! Pourtant, on peut comprendre les tentatives de Michael de se détacher de son jumeau, avant d’être pris de pitié en voyant qu’il n’y a pas de réelle échappatoire pour ces deux personnages, piégés dans leur relation unique et anormale. Et c’est d’autant plus glauque que certaines descriptions (tant de la relation entre les deux protagonistes, que de scènes à l’hôpital) sont assez glauques et que l’histoire se base sur un fait divers, celui de la mort de jumeaux réels, Stewart et Cyril Marcus, également gynécologues à New York.

L’écriture n’a rien de particulier dans son style, vraiment, même si en revanche on peut dire que l’auteur sait faire ses effets au fur et à mesure de l’histoire. Ce livre appartient à la catégorie des bouquins qui fascinent autant qu’ils rebutent, et j’ai moi-même dû interrompre ma lecture une fois, quand un passage descriptif sur une patiente d’un des jumeaux me donnait assez envie de vomir. Donc ce n’est pas pour les petites natures, ce n’est un livre transcendant non plus (si ce n’est pas l’étrangeté morbide de son sujet) mais en tout cas il happe l’esprit et on a qu’une envie, continuer à tourner les pages… Un autre détail intriguant, sur lequel je n’ai pas trouvé d’infos : ce livre a été écrit par deux auteurs visiblement. Je me demande si cette co-écriture vient simplement de l’intérêt de deux personnes pour ce fait divers, ou si cela a eu également une incidence sur la façon de raconter l’histoire ? Ça a été de bons moments de lecture pour moi en tout cas, avec un sujet et une vision sortant de l’ordinaire (et ça ne fait pas de mal parfois !)

Au sujet de l’adaptation : Elle a été réalisée par David Cronenberg en 1988, avec Jeremy Irons dans le rôle des jumeaux. J’ai vu le film avant de lire le livre, et en fait, j’aurais besoin de regarder le film de nouveau, puisque je dois avoir un décalage d’un an au moins entre les deux et que je ne me rappelle plus de tout le film. Déjà, celui-ci m’avait paru malsain, mais en lisant le bouquin, je me rends compte que les impressions de « malsain » ou de « sombre oppression » laissées par les deux ne sont pas les mêmes et se nuancent différemment, même si je suis incapable de dire pourquoi précisément. Certes, le livre va plus loin que le film dans le côté glauque, c’est peut-être cela, mais les deux matériaux me semblent au final assez différent. Bizarre…en tout cas, je me souviens d’un bon film même s’il était très sombre et avec parfois quelques visions cauchemardesques, qui valait le coup d’oeil, avec notamment l’interprétation d’Irons pour les deux rôles, forcément remarquable !

Roman américain, style suspense-horreur.
Titre original : Twins puis Dead Ringers.
Editions : Calmann-Lévy, collection Interstices
Parution originale : 1977
Première parution française : 1988
Disponibilité :  en librairie (17, 25 euros)
293 pages.
EAN : 9782702140734

Lecture en cours : Rebecca’s Tale, de Sally Beauman

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