Belle du Seigneur – Albert Cohen
Après deux mois de lecture intensive –ou non-, je peux enfin vous présenter l’une de mes lectures de cet été. Je l’avais présenté dans notre première sélection de lectures estivales, ayant pris comme habitude ces dernières années de lire un livre de plus de 500 pages lors de ces longues vacances. C’est même le double ici, car Belle du Seigneur ne fait pas moins de 1100 pages en format poche ! Il s’agit en plus d’un roman dont j’avais beaucoup entendu parler, en bien comme en mal d’ailleurs, et d’un classique de la littérature amoureuse. J’étais donc curieuse de le découvrir, ne sachant pas vraiment si j’arriverais au bout… Mais finalement, oui !
Sans plus tarder, en voici déjà le résumé :
« Solennels parmi les couples sans amour, ils dansaient, d’eux seuls préoccupés, goûtaient l’un à l’autre, soigneux, profonds, perdus. Béate d’être tenue et guidée, elle ignorait le monde, écoutait le bonheur dans ses veines, parfois s’admirant dans les hautes glaces des murs, élégante, émouvante, exceptionnelle, femme aimée, parfois reculant la tête pour mieux le voir qui lui murmurait des merveilles point toujours comprises, car elle le regardait trop, mais toujours de toute son âme approuvées, qui lui murmurait qu’ils étaient amoureux, et elle avait alors un impalpable rire tremblé, voilà, oui, c’était cela, amoureux, et il lui murmurait qu’il se mourait de baiser et bénir les longs cils recourbés, mais non pas ici, plus tard, lorsqu’ils seraient seuls, et alors elle murmurait qu’ils avaient toute la vie, et soudain elle avait peur de lui avoir déplu, trop sûre d’elle, mais non, ô bonheur, il lui souriait et contre lui la gardait et murmurait que tous les soirs ils se verraient. »
Ariane devant son seigneur, son maître, son aimé Solal, tous deux entourés d’une foule de comparses: ce roman n’est rien de moins que le chef-d’œuvre de la littérature amoureuse de notre époque.
Comment ce livre est arrivé entre mes mains ?
Le livre m’a été offert lors du SWAP romance, avec la charmante Bib Lib, il y a de cela un an ^^
Et alors, qu’est-ce que ça donne ?
Belle du Seigneur, c’est l’histoire d’Ariane et Solal, deux êtres un peu à part au milieu d’une multitude de personnages secondaires durant les années 1930. Elle est une jeune femme rêveuse et mariée par dépit à un homme inintéressant et arriviste. Lui, grec juif, occupe un haut poste aux Nations Unies tout en faisant intérieurement preuve d’une sévère mélancolie. Leur amour, violent et inattendu, changera radicalement leur existence, au point qu’ils ne vivront tous les deux que pour lui. Mais une fois les premiers mois passés, la passion revêt un tout autre visage…
Il m’est difficile d’expliquer l’intrigue de ce roman, car en réalité, j’ai trouvé que, malgré son millier de pages, il n’y avait tout simplement pas beaucoup d’actions notables dans ce bouquin. Nous assistons simplement à la naissance de la relation de Solal et Ariane, et à son évolution exposée de manière très terre à terre. L’auteur presque exclusivement sur les émotions et les pensées de ses personnages, ce qui se remarque tout de suite dans l’écriture.
Le style est en effet extrêmement particulier, et peut même être assez rebutant pour certains lecteurs. On est toujours plongé dans la tête des personnages, suivant le moindre de leurs pensées, jusqu’aux plus insignifiantes et triviales. A l’instar de ce qui se passe réellement dans la tête d’un être humain lorsqu’il pense, les phrases de ce roman se suivent sans parfois n’avoir aucun rapport et sautant souvent du coq à l’âne. Certains chapitres n’ont même aucune ponctuation, et on comprend qu’il peut donc être assez pénible de lire une trentaine de pages sans aucun point ou virgule pour souffler dans sa lecture. Ou ne pas se perdre dans les méandres de l’esprit des personnages.
C’est d’ailleurs une des critiques que j’ai le plus entendu concernant ce roman, et qui m’avait toujours fais freiner des pieds avant que je me décide finalement à le commencer. Puis, finalement, même si ça m’a passablement surpris au départ, je m’y suis habituée et ai réussi à le lire jusqu’au bout. J’ai quand même dû me forcer quelques fois, mais finalement, aussi particulier soit-il, force est de constater que le style de l’auteur colle vraiment à son histoire. Lourdeur des sentiments et des conventions sociales se font d’autant mieux ressentir au travers de cet afflux constant de pensées et d’informations.
De plus, l’écriture, subtile mélange de réalise et de lyrisme, est vraiment un plaisir à lire, et on sent qu’Albert Cohen maîtrise à la fois la langue et la psychologie humaine. Il parvint ainsi à critiquer l’hypocrisie et la haine dont l’humain fait parfois preuve, plongeant ses deux personnages principaux au milieu de nombreux personnages secondaires peu admirables ou héroïque. L’histoire d’amour en est d’autant plus glorifiée, avant qu’elle ne se fasse à son tour entachée par la vie et la société.
En conclusion, c’est un livre assez particulier, que je ne conseillerais clairement qu’aux plus motivés, surtout pour son écriture et sa description précise des rapports humains. Une romance « prise de tête » si on peut dire, mais à côté de laquelle il serait dommage de passer, si on adhère au style.
Pour quel(s) lecteur(s) ?
Ceux qui souhaitent découvrir une grande histoire d’amour décrite superbement, mais pas grand-chose d’autre. Les lecteurs qui sauront ne pas être rebuté par le style assez verbeux et lourds de l’auteur.
La citation :
« – Je l’aime et je suis heureux, pensa-t-il. O merveille de t’aimer, lui dit-il.
– Quand pour la première fois? Osa-t-elle demander.
– À la réception brésilienne, murmura-t-il, pour la première fois vue et aussitôt aimée, noble parmi les ignobles apparue, toi et moi et nul autre en la cohue des réussisseurs et des avides d’importances, nous deux seuls exilés, toi seule comme moi et comme moi triste et de mépris ne parlant à personne, seule amie de toi-même, et au premier battement de tes paupières, je t’ai connue, c’était toi, l’inattendue et l’attendue, aussitôt élue en ce soir de destin, élue au premier battement des longs cils recourbés, toi, Boukhara divine, heureuse Samarcande. »
Pour se le procurer:
Editions : Folio
Date de sortie : 1968
Prix : 12.4 €
Nombre de pages : 1109 pages
ISBN : 978-2070404025
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On me l’a offert il y a une dizaine d’années et j’avoue avoir eu franchement du mal à le lire…
Je ne suis même pas sûre de l’avoir terminé ! Si je me souviens bien, j’avais trouvé ça très long et très ch…t !!
Bien écrit oui, mais… est-ce que ça suffit ? Pour moi, non.
Une de mes amies qui adore la langue française et les bouquins un peu « prise de tête », c’est régalée…
Tout est une question de goût après, le style nous plaît ou pas et c’est comme ça ^^
Je suis la première surprise d’avoir pu le finir, alors que ce n’est pas forcément mon genre de lectures et que je déteste me forcer… Mais étonnamment, c’est passé, et j’ai globalement apprécié cette lecture.
Merci pour ton avis en tous cas, ça me confirme que ce livre ne faut pas l’unanimité et que « bien écrit » ne fait pas tout 😉
Je crois que je n’ai pas fait d’overdose parce que j’ai lu à petit pas l’histoire de Soral et Arianne ! J’ai adoré d’amour fou. Depuis, je le garde dans ma PAL pour le relire à l’occasion, oui, oui à ce point 🙂
Je me suis promis de lire le roman sur Soral que l’auteur à également écrit, mais je n’en ai pas eu l’occasion encore, bientôt, bientôt..
C’est le genre de livre qui se lit petit à petit pour bien l’apprécier, j’ai l’impression ^^
Et tu me diras si tu as réussir à lire Solal, j’avoue être très curieuse 🙂